Les questionnaires du ministère sont en vogue en ce retour de vacances de la Toussaint:
-Questionnaire "Exigence des savoirs",
-Questionnaire "harcèlement",
On décrypte !
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"Exigence des savoirs", un questionnaire sur les programmes ?
Gabriel Attal a profité de nos vacances pour nous envoyer un questionnaire « Exigence des savoirs ». Les enseignants peuvent apporter leurs contributions jusqu’au 20 novembre.
(Lien vers la consultation : https://sdt2.sphinxonline.net/SurveyServer/s/MENJ/exigencedessavoirs22/questionnaire.htm)
Les réponses obtenues doivent permettre :
-d’identifier les principales mesures à prendre pour rehausser le niveau scolaire des élèves,
-de proposer un plan d’action.
Un changement de méthode ?
L’idée de consulter « la base », en passant (en apparence) par-dessus les instances du ministère et par-dessus des syndicats installés de longue date, est intéressante, d’autant plus que les uns et les autres ont contribué à la situation catastrophique que connaît aujourd’hui notre système scolaire.
Mais ne nous laissons pas berner, la consultation semble doublement biaisée : Non seulement les questions sont orientées mais on peut également craindre que les décisions principales aient déjà été prises ! Certains dénoncent déjà une «illusion de concertation ». D’ailleurs, quelles garanties avons-nous que les propositions des enseignants seront retenues si elles ne plaisent pas au gouvernement ?
Entre les lignes...
A la lecture du questionnaire, on s’aperçoit rapidement qu’il ne s’agit pas d’un questionnaire sur les programmes mais plutôt sur le fonctionnement du système éducatif, les questions posées remettant étrangement au goût du jour des termes quelques peu oubliés ces dernières décennies : autorité, groupes de niveaux, attendus de fin d’année, devoirs écrits à la maison, redoublement…
Il n’en faut pas plus à nombre d’organisations et personnalités du (petit) monde de l’éducation pour crier au « retour vers le passé », à l’«école de Grand-Papa », et pour fustiger des « rengaines passéistes et inefficaces ».
Et nous ? Qu’en pensons-nous ?
D’abord et avant de juger sur le fond, il paraît hautement improbable que Gabriel Attal se lance dans des réformes d’ampleur : affermissement de l’autorité des enseignants, rétablissement du redoublement (qui a quasiment disparu) ou encore -dans le premier degré- retour des devoirs écrits à la maison…
D’abord parce qu’il courrait le risque de crisper un certain nombre de parents d’élèves (autrement dit des électeurs), ensuite parce qu’il faudrait envisager des coûts supplémentaires conséquents, et enfin parce que les personnels dont l’autorité serait réaffirmée devraient être quasi-inconditionnellement soutenus par leur hiérarchie ! la fin du Pas-de-Vague en somme, une sacrée révolution !
Sur le fond, le ministre a de toute évidence raison de pointer en introduction du questionnaire « un affaissement du niveau général des élèves français depuis trente ans » et donc de vouloir réagir, quitte à jeter un œil bienveillant sur ce qui fonctionnait dans l’école de Grand-Papa et pourrait encore faire l’affaire. Action & Démocratie a critiqué certaines dérives pédagogistes mais sans jamais tomber dans l'excès inverse. Il ne s’agit pas d’être dogmatique de l’école d’autrefois, il ne s’agit pas non plus -comme dans les IUFM/ESPE/INSPE- de balayer en mode maoïste tout ce qui a pu se faire avant 1989.
Attention à notre liberté pédagogique
Action & Démocratie exprime ses plus vives réserves sur le projet de labellisation ministérielle de manuels scolaires, qui menace clairement la liberté pédagogique des enseignants. Nous sommes des experts de l’instruction et devons le rester.
Et l’essentiel a été oublié !
Comme on pouvait s’y attendre, le questionnaire ne mentionne pas le plus important : les élèves que nous avons la charge d'instruire.
Quitte à briser un tabou, on rappellera que le principal atout de l’«école de Grand-Papa » résidait non pas dans les trouvailles pédagogiques de nos hussards noirs mais dans la relative facilité qu’avaient ceux-ci de capter l’attention de leurs élèves.
Or ce n’est un secret pour personne qu’en 2023, il nous faut composer avec une attention extrêmement faible chez nos élèves, pour des raisons telles que le manque croissant d’éducation dans les familles, l’invasion débilitante des écrans dès le berceau ou encore le fonctionnement d’une école pseudo-inclusive qui impose à des enfants porteurs de lourds handicaps de suivre à grand-peine dans une classe « ordinaire ».
Dans ces conditions, il est incontournable de limiter le nombre d’élèves par classe à 20, faute de quoi les « méthodes à l’ancienne » ne seront d’aucun secours !
"Questionnaire contre le harcèlement", un outil efficace ?
Du 9 au 15 novembre, des grilles d’autoévaluation seront distribuées aux écoliers, collégiens et lycéens dans le cadre du plan de lutte de Gabriel Attal contre le harcèlement scolaire. Ces questionnaires doivent permettre à l’Éducation nationale de mieux mesurer le phénomène du harcèlement scolaire.
Les questionnaires seront anonymes et non-obligatoires : « As-tu peur d’aller en récréation ? », « T’es-tu déjà bagarré(e) ? », « Est-ce qu’on t’a déjà donné un surnom méchant ? »… À chacune des questions, l’élève notera son « ressenti » sur une échelle de 1 (« jamais harcelé ») à 4 (« souvent harcelé »).
Après relevé des questionnaires, les équipes des établissements devront en tirer un bilan afin de détecter d’éventuelles situations de harcèlement et d’y répondre de manière ciblée et adaptée. De plus, à partir d’un certain niveau de gravité constaté (violence à caractère sexuel, physique ou psychique, cyber-violence…), les établissements seront tenus de faire remonter l’information et d’effectuer un signalement.
Quant aux enfants et adolescents, ils se verront rappeler à l’issue du questionnaire, qu’ils peuvent se confier à un adulte de l’établissement s’ils le souhaitent.
À l’échelle du pays, un échantillon représentatif des réponses sera exploité par le ministère pour objectiver statistiquement un phénomène jusqu’ici difficile à évaluer.
Ce qu’on en pense
Devant le Conseil supérieur de l’éducation le 19 octobre dernier, Action & Démocratie a soutenu cette initiative qui va dans le bon sens et s’inscrit dans un ensemble de mesures positives, non sans émettre quelques réserves :
- la lutte contre le harcèlement repose avant tout la vigilance de personnels formés, disponibles et en nombre suffisant. On en est loin ! Un plan de lutte contre le harcèlement ne peut se dispenser d’un effort budgétaire à la hauteur de l’importance accordée, dans la communication, à cette question ;
- dans le premier degré, les difficultés sont déjà considérables et le resteront pour recueillir la parole d’éventuelles victimes. Le personnel non-enseignant qualifié est extrêmement rare dans les écoles primaires et les professeurs des écoles ne disposent généralement ni de temps ni d’espace pour réaliser ce type d’entretien,
- ce questionnaire devrait entraîner une libération massive de la parole avec quelques dérives inévitables (exagérations, calomnies…), certes c’est un mal pour un bien ! Mais les résultats devront être observés avec prudence et discernement,
Bref, si cette initiative a des défauts, elle marque tout de même un changement de posture salutaire au ministère. Ce questionnaire accompagne d’autres mesures : sanctions disciplinaires et pénales renforcées, cours d’empathie, brigades d’intervention rapide, possibilité donnée aux directeurs d’école d’exclure un élève harceleur, possibilité de bannir temporairement un harceleur des réseaux sociaux ou de confisquer un téléphone portable etc.
Le sujet du harcèlement, et avec lui celui de la violence scolaire, seraient-ils enfin pris à bras-le-corps après des décennies de déni, de pas-de-vague, de refus d’agir ? Nous voulons y croire, et Action & Démocratie sera très attentif à la façon dont ces mesures seront mises en œuvre afin d’en évaluer la pertinence.
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