Plus personne n’y croit.

Publié le 30 mai 2024 à 17:08

Cette fin d’année scolaire est une véritable misère. On s’habitue aux « faits divers » violents : ici on tabasse à la sortie, là on plante au couteau, là-bas on menace de mort, quand on n’a pas effectivement été assassiné. Samuel Paty n’est pas oublié grâce à sa sœur Mickaëlle qui se bat comme une lionne, et envoie l’État devant les tribunaux, le souvenir de Dominique Bernard s’estompe…

Photo de Nadine Shaabana sur Unsplash

Moins dramatique mais grave, le « choc des savoirs » ébranle le collège où l’on voit se répéter deux erreurs majeures commises au lycée au moment des réformes Blanquer : l’autisme intégral de l’administration centrale face aux analyses et aux alertes qui remontent du terrain par les canaux de la quasi totalité des organisations syndicales, des mouvements locaux et des associations de professeurs ; et le renvoi des responsabilités au niveau des établissements, au nom de leur autonomie, conduisant à l’éclatement du caractère national des réformes et à la sur-sollicitation des personnels de direction.

 

Ces derniers ont le choix entre ménager leur carrière, ou épargner leur salle des professeurs. Adieu les classes, vive la multiplication des groupes et sous-groupes, vive les emplois du temps inextricables et pourris, les mises en barrette, la suppression de dispositifs pourtant efficaces parce qu’il faut bien prendre les heures quelque part… Il nous restera les yeux pour pleurer, mais blablabla : en septembre tout cela sera un succès.

Le lycée quant à lui continue à vivre les conséquences de la marche arrière décidée par le ministre Attal : le report des épreuves de spécialité en fin d’année qui a représenté l’octroi de deux mois de cours supplémentaires. Cela aurait pu être une excellente nouvelle s’il n’était pas allé de paire avec le retour de l’intégralité du programme, c’est-à-dire doublement du travail, pour les collègues de lettres et de philosophie, de fait mis en difficulté, et qui doivent ces jours-ci trancher entre la préparation de la spécialité HLP et celle du grand oral, ce qui est vite fait.

 

La préparation du grand oral est désormais de la responsabilité des algorithmes de ce qu’on nomme improprement « intelligence artificielle », ce qui ne semble déranger personne au ministère, ni ailleurs, et surtout pas chez Chat-GPT qui se frotte les mains de cette clientèle qui lui tombe dans les bras : le passage du gratuit au payant fera bientôt sa fortune…

 Une mention spéciale pour les collègues de lettres qui seront jurys de Baccalauréat pour les épreuves anticipées de français orales et écrites, mais aussi pour la spécialité HLP et encore pour le grand oral : le chevauchement des dates de correction et de celles des oraux ne gênera qu’eux.

 

Une autre mention spéciale pour les collègues d’EPS qui doivent à partir de cette année opérer non plus 3, mais 12 saisies par élève dans le logiciel des notes du CCF d’EPS du Baccalauréat : le ministère veut, parait-il, pouvoir établir des analyses statistiques détaillées sur la notation en EPS : on allait sûrement manquer de statistiques lues par personne, c’est-à-dire par Ulysse lui-même.

 

Ce quadruplement du nombre de saisies dans un logiciel à l’ergonomie débile, impliquant l’utilisation de menus déroulants malcommodes, causera immanquablement la multiplication d’erreurs indécelables, et le quadruplement du temps à passer ! De cela l’administration centrale se moque, car sans doute considère-t-elle que les professeurs d’EPS sont sous-employés ?

 

La moyenne de cette notation de l’EPS au Baccalauréat a par ailleurs connu une augmentation de 3 points, sans aucune augmentation du niveau des élèves. Magie ? Non : technocratie déguisée en pédagogie. Grâce à l’intégration des « attendus de fin de lycée » nommés 2 et 3. Pour ceux qui l’ignorent, cela est revenu à noter pour l’obtention du Baccalauréat, ce qui antérieurement relevait de l’allant de soi : la présence et la participation aux cours, l’aide aux camarades, la politesse comme norme de conduite et son propre travail pour faire des progrès et atteindre un meilleur niveau en fin de cycle qu’au début. Si le niveau ne monte pas on hausse celui des notes et l’affaire est faite !

 

L’astuce, c’est que tout cela est présenté dans un sabir incompréhensible des initiés eux-mêmes : comme plus personne n’ose lever le doigt dans les réunions pour dire « excusez-moi, je n’y comprends rien ! », que tout le monde fait semblant de comprendre, et que ceux qui auraient à expliquer auraient du mal à faire, on continue à faire comme si… On espère que la situation n’est telle qu’en EPS - n’est-ce pas ?

Bas les masques : ce n’est pas parce qu’on nous prend pour des imbéciles que nous sommes stupides : c’est bien en se conduisant ainsi que le ministère et ses cadres se décrédibilisent auprès des enseignants, se coupent d’eux et qu’ils perdent autorité et légitimité, pour tomber dans un autoritarisme pathétique en brandissant la menace de sanctions pour les récalcitrants, ou en faisant tomber des sanctions : qui se souvient des collègues de philosophie qui, face à la réforme du Baccalauréat, ont fait la grève des examens, et qui se sont retrouvés isolés, et mutés d’office pour l’exemple ?

 

Mais ce n’est pas tout : l’échec du « 0 classe sans professeur » que devait permettre le « pacte enseignant » est mis sous le tapis par des experts en balayette.

 

Et encore, la catastrophique crise du recrutement gagne en vigueur : le corps enseignant est à l’os, et il dépérit. Heureusement « ils » ont les « contractuels » sous la main, à condition de taire qu’ils sont sous-formés s’ils sont un tant soit peu formés (3 jours c’est quand même court), sous-qualifiés, et parfois sous-motivés.

 

Mais ça ne suffit pas ! Combien d’entre nous ont eu cette année à chercher eux-mêmes dans la population de leurs anciens élèves en études universitaires de bonnes âmes susceptibles de bien vouloir se faire connaître au rectorat pour pallier une absence de longue durée ?

 

Comme ça ne marche pas à tous les coups, nous avons aussi connu les parents d’élèves qui recrutent sur le Bon Coin, Facebook, Tik-Tok ou Instagram des remplaçants pour leurs enfants sans professeurs.

 

Tout cela est tellement honteux que nous en avons perdu la capacité d’en avoir honte : ça nous enverrait derechef en maison de repos !

 

Mais enfin, heureusement, le ministère a conçu une réforme des CAPES qui va tout arranger : réforme qui a amené ceux qui l’ont lue à s’arracher les cheveux.

 

Ivres d’eux-mêmes les « managers » de l’éducation nationale ont sacrifié la qualité de la formation, pour tenter de recruter davantage et plus tôt. Ils restent bien certains que leur progéniture échappera aux funestes conséquences d’un tel choix grâce à un accès particulier à l’enseignement privé d’élite : mais attention, l’arroseur est parfois arrosé…

 

On aurait eu peur du scandale, mais ouf ! Le délabrement de l’éducation nationale sera masqué en cette fin d’année par la saturation de l’information opérée dans les canaux médiatiques grâce aux jeux olympiques : on verra bien en septembre... Et à ce moment là, nous savons qu’il sera dit de la rentrée qu’elle aura été « une réussite, malgré quelques soucis résiduels en cours de résolution » ; des ministres souriants, voire le Président Macron lui-même, se trouveront dans une cour de récréation, où ils feront des selfies, ou bien dans une classe de primaire où ils feront des gouzi-gouzis à des petits enfants bien sages, devant les caméras de télévisions convoquées à l’heure dite.

 

Derrière le vernis, ils continueront à se sentir délaissés et maltraités, ceux qui, à bout de bras, portent leurs élèves : visiblement, plus personne ne sait que les professeurs aiment leurs élèves, travaillent pour eux et enragent qu’on continue, à rebours de tous les discours, à abandonner l’école, et qu’on laisse son délabrement avancer.

 

Puisqu’il est question d’amour : nous vivons un abandon, mais on nous aime ! C’est tout de même un peu court : les Thénardiers eux aussi aimaient Cosette. Ils l’aimaient tant qu’ils l’ont vendue le plus cher possible à Jean Valjean. 

 

Soyons lucides : l’hypothèse « Jean Valjean » n’est pas très plausible pour l’école. Il va falloir trouver autre chose pour mettre un coup d’arrêt à la déconstruction de l’école française. 

 

L’actuel éparpillement des contestations n’est pas une solution : elle sert l’intérêt des démolisseurs. Il va falloir réfléchir, et vite. Action et Démocratie n’a jamais reçu de réponse aux appels à une action unitaire  d’ampleur, qu’elle a pourtant lancés aux organisations représentatives. Face à l’urgence, dans la détresse, restent les bouteilles à la mer…

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