Lettre d’information n°40 – 16 janvier 2022
Communiqué spécial
Vous avez été très nombreux à nous faire part de votre approbation après avoir lu notre communiqué du 10 janvier contre une grève inutile de plus [lire le communiqué du 10 janvier], et vous êtes chaque jour toujours plus nombreux aussi à nous rejoindre pour participer au développement d’un syndicalisme différent, non politisé, conforme à vos attentes et vos exigences en matière de sérieux, de clarté et d’efficacité. Nous vous en remercions. Il est rare, dans la période actuelle, qu’un syndicat voit le nombre de ses adhérents augmenter avec une croissance à deux chiffres. Vos encouragements confortent notre volonté de proposer à la profession une alternative véritable au syndicalisme archaïque qui se discrédite en accompagnant depuis des années notre déclassement et qui dévoie la grève à force d’en abuser ou de s’y jeter tête baissée sans la moindre stratégie.
Le 13 janvier dernier, la plupart des organisations ont en effet appelé les personnels à se mettre en grève pendant une journée en annonçant par avance une mobilisation « historique » contrastant avec le caractère vague, contradictoire ou totalement sans objet des revendications à satisfaire en priorité selon les unes ou les autres. Elles ont pris leur responsabilité et nous avons pris les nôtres également en refusant d’encourager les personnels à donner une journée de leur maigre salaire pour que le ministère finisse par leur faire don de cinq masques FFP2 à un euro pièce, résultat pathétique et cependant prévisible d’une négociation qui ne pouvait déboucher sur rien dès lors qu’on utilisait une fois de plus la grève comme exutoire à la colère.
Nous l’avons dit et le répétons : les personnels de l’éducation ne sont pas en situation de perdre une journée de salaire de temps en temps uniquement pour « se faire entendre » ! Si leurs représentants ne sont pas capables de se faire entendre du ministre, qu’ils en changent ! Ils en auront d’ailleurs bientôt l’occasion puisque la composition de toutes les instances du « dialogue social » sera renouvelée en décembre 2022 lors d’élections professionnelles très attendues.
Nous l’avons dit et le répétons aussi : une grève nationale est un moyen d’action qui ne peut être utilisé qu’en dernier recours pour pouvoir négocier en position de force, son objectif n’étant pas de laisser libre cours à la colère (les réseaux sociaux y pourvoient amplement) mais d’obtenir la satisfaction de revendications précises, clairement formulées et en nombre limité. C’est pourquoi non seulement on ne décide pas d’une grève à la hâte et dans l’improvisation, comme ce fut encore le cas de celle du 13, mais on ne lance pas non plus les personnels dans des actions sans lendemain et sans véritable but. Car peut-on croire que des collègues se seraient vraiment mis en grève dans le but d’obtenir des FFP2 et des rendez-vous bimensuels entre les organisations représentatives et deux ministres ?
Instrumentaliser l’exaspération et l’épuisement des personnels pour réclamer en leur nom des protocoles « renforcés » alourdissant ceux qui sont déjà ingérables est contraire à notre conception du syndicalisme. Notre ligne est avant tout inspirée par la haute idée que nous avons de l’institution scolaire et de ses serviteurs, ainsi que par la prise en compte de la réalité sans a priori idéologique. Or nous voyons bien que sur le terrain les personnels éprouvent en effet lassitude, colère, fatigue, comme à peu près tous les Français d’ailleurs, à cause d’une crise dont nul ne voit venir la fin et de protocoles insensés produits à la chaîne par une administration capable d’invoquer des motifs sanitaires pour interdire de boire un café debout !
Cela suffit ! Il est temps de se recentrer sur l’essentiel !
Nos métiers sont devenus déjà assez pénibles à cause de l’avalanche de réformes qui les ont défigurés pour qu’on n’aille pas en plus se mettre en grève afin de réclamer nous-mêmes des contraintes supplémentaires et inutiles alors que nos salaires restent bloqués depuis des lustres, que nos classes sont bondées et dissipées, que notre charge de travail ne cesse de s’alourdir et que les lacunes de nos élèves ne cessent de s’aggraver !
Action & Démocratie est résolument pour le maintien des écoles ouvertes mais nous ne sommes pas dupes de la communication ministérielle : maintenir les écoles ouvertes n’est pas une fin en soi, sauf à en faire des garderies pour ne pas perturber le fonctionnement de l’économie en plaçant l’intendance au-dessus de l’éducation. Il faut donc en assumer les conséquences : maintenir les écoles ouvertes oui, nous approuvons cet objectif s’il est un moyen au service de la véritable fin qui est d’instruire et de prendre soin de la jeunesse.
Or depuis la rentrée 2020, rien n’est fait pour que les professionnels de l’éducation que nous sommes puissent exercer leurs missions avec sérénité et dans de bonnes conditions, alors que partout ailleurs les salariés sont encore capables de demander et d’obtenir des conditions de travail respectueuses de leur métier, même dans le présent contexte de crise sanitaire et des précautions de bon sens qu’il faut prendre pour se protéger sans néanmoins s’empêcher de vivre. Un syndicat des personnels de l’éducation n’a pas pour vocation de demander plus de masques, plus de protocoles, plus de « gestes barrières » en faisant semblant de posséder une expertise qu’il n’a pas en matière sanitaire. Un syndicat des personnels de l’éducation n’est pas là pour réclamer au ministre les outils qui engagent l’annulation même du geste de transmission et qui sont la négation de l’enseignement.
Raison garder
Comme ce fut le cas depuis le début de cette crise, nous resterons très attentifs au cas des personnes vulnérables et intransigeants concernant leur protection mais nous n’imiterons pas les organisations qui abusent autant du droit de grève que du droit de retrait en prétendant exercer ce dernier dès que la présence de « cas positifs » a été détectée, ce qui est évidemment totalement injustifié. Il faut savoir raison garder et conserver le sens de la mesure : s’il est vrai que, depuis la rentrée de janvier, les cas positifs confirmés (dont l’immense majorité est asymptomatique) sont passés de 47 543 à 331 715 chez les élèves et de 5 631 à 25 571 chez les personnels en raison de l’augmentation du nombre de tests effectués, il faut aussi avoir à l’esprit ce que représentent ces chiffres au regard des populations correspondantes, comme le montre le tableau ci-dessous.
Oui, il faut non seulement raison garder mais conserver le sens des priorités et ne pas perdre son temps ni son énergie en combats inutiles alors qu’il y a tant à faire pour éviter les souffrances, le désespoir ou la résignation qui n’ont jamais autant affecté la profession tout entière, tous corps confondus. La crise sanitaire est une chose, la crise de l'institution scolaire en est une autre.
S'agissant de la première, Action & Démocratie a pris position chaque fois que cela était nécessaire sur l’impact dans l’éducation nationale des mesures prises pour gérer la crise sanitaire, et est resté longtemps le seul syndicat à se préoccuper des personnels de l’éducation nationale soumis à l’obligation vaccinale qui ont été suspendus sans aucun traitement : des psychologues de l’éducation nationale, des médecins et des infirmières scolaires mais aussi les personnels administratifs des CIO, CMS, etc. que nous avons défendus à la fois collectivement (par des interventions répétées auprès du ministre comme des parlementaires, par des requêtes au Conseil d’État toujours en cours d’instruction) et individuellement.
Sur la crise de l’institution scolaire, Action & Démocratie est la seule organisation à en dénoncer les causes véritables sans faux fuyants, condition préalable pour en déduire les remèdes. Nous sommes aussi entièrement mobilisés au quotidien pour protéger les personnels qui sont exposés en première ligne aux effets de cette crise et résoudre, le plus souvent avec succès, les dossiers parfois très lourds de ceux qui se tournent vers nous après avoir constaté l’indifférence ou l’inefficacité de leur propre syndicat. Cela constitue la plus grande part de nos actions au service de tous et de chacun pour laquelle il n’y a pas lieu de faire des communiqués de presse deux fois par semaine. Nous réservons ceux-ci et notre expression publique aux dossiers dont la portée est collective et dans lesquels nous prenons toute notre part, voire plus que notre part eu égard à nos moyens, comme l’extension du contrôle continu au baccalauréat dont les effets seront catastrophiques sur les collègues et au sujet de quoi nous ne nous sommes pas contentés d’un vote « contre » au Conseil supérieur de l’éducation mais avons été les seuls à saisir le Conseil d’État (audience au CE le 21 janvier prochain sur les requêtes au fond dont nous rendrons compte ici).
Sur ces sujets et tant d’autres, PPCR, jour de carence, statut des AESH, nombre de points d’indice, indemnité de logement, réforme de l’enseignement professionnel, école inclusive, etc. nous prenons des positions claires, cohérentes et souvent singulières que vous pouvez découvrir dans notre lettre d’information, dont les 39 derniers numéros sont accessibles sur notre site web national, ou dans notre revue Le Pari de l’intelligence.
Ces positions découlent des principes auxquels nous sommes attachés, ceux de la liberté et de la justice, ceux de l’école républicaine que nous aimons, une école où règnent la sérénité et l’autorité tranquille, où la compétence des maîtres ne soit pas soumise aux préjugés des premiers venus, où les élèves retrouvent le goût d’apprendre pour obtenir une vraie réussite, où les professeurs retrouvent celui d’enseigner et de les faire progresser au lieu de mettre des notes qui ne veulent plus rien dire pour éviter les contestations, bref une école qui instruise, dans laquelle on se contente de recruter d’excellents maîtres, de les rémunérer convenablement et de leur ficher la paix !