Déclaration de la CFE-CGC au Conseil supérieur de l’éducation - Séance du 16 mars 2022
M. le Ministre,
Ce sera l’une de vos dernières apparitions en tant que ministre de l’Education nationale, du moins dans le cadre de ce premier mandat d’Emmanuel Macron : une charmante distribution de Fables de la Fontaine à des écoliers de CM2. Le don du livre. Un symbole puissant, l’émouvante icône du professeur qui instruit, transmet, élève les jeunes esprits, à l’appui d’un des plus beaux ouvrages de la littérature française, sous le regard bienveillant d’une éminente académicienne.
Si seulement ce magnifique instantané pouvait refléter votre bilan.
Il n’en est rien.
Action & Démocratie CFE-CGC est un jeune syndicat de l’enseignement qui plaide avec passion pour une école qui instruise et émancipe, dans la lignée de nos glorieux prédécesseurs, les Hussards noirs de la République.
Une école dans laquelle les professeurs sont respectés pour le savoir qu’ils détiennent et l’art qu’ils ont de transmettre ce savoir ; une école qui, à rebours d’une société tentée par la déculturation, le consumérisme, l’individualisme et la violence, offre gratuitement une instruction et une culture solides à tous les enfants de France.
Hélas, puisque l’heure est au bilan, force est de constater que votre action s’inscrit dans la continuité de quarante années de mauvais choix. Comme vos prédécesseurs, vous aurez détruit sans jamais construire. Les cinq années qui viennent de s’écouler ont vu ce magnifique édifice qu’était l’Éducation nationale s’écrouler encore davantage.
Que pourrions-nous retirer de positif de ces cinq années passées rue de Grenelle ?
La destruction du baccalauréat ? Une école prétendument inclusive et dans les faits inapplicable ? La grand-messe grotesque du Grenelle de l’Education ? Les directeurs d’écoles transformés en chefaillons à leur corps défendant ? Les agressions d’enseignants qui se multiplient? Les gestes désespérés si nombreux au cours de cette période dont celui, tout récent, d’une professeure de lycée professionnel à Blois ?
Notre pays chute toujours plus bas dans les classements internationaux mais comment pourrait-il en être autrement ? Non seulement les gouvernements successifs s’ingénient à détruire ce qui fonctionnait ici mais repoussent tout ce qui, ailleurs, porte ses fruits : la discipline et l’exigence des pays asiatiques, les salaires attractifs ou les effectifs réduits de nos voisins européens…
Nous voici à trois semaines d’une nouvelle élection présidentielle et l’éducation est naturellement un sujet majeur de préoccupation pour les Français et encore davantage pour nous.
Est-il encore raisonnable d’espérer qu’un candidat rende leur fierté aux professeurs ?
Qu’un gouvernement sitôt formé prenne immédiatement les mesures de bon sens auquel on a tourné le dos pendant quarante ans : revaloriser les salaires, diminuer le nombre d’élèves par classe, restaurer l’autorité des enseignants et rétablir un enseignement disciplinaire de qualité pourvu d’horaires
décents ?
Y croyons-nous encore ?
Nos conditions de travail sont aujourd’hui si dégradées qu’il faut, pour entrer ou demeurer dans l’enseignement, soit une prédisposition au masochisme, soit l’espoir qu’un changement de cap est encore possible, ce qui implique une inébranlable foi en l’avenir et en l’humanité !
Election après élection, les enseignants de France ont redouté que le pire ne soit à venir et le voici désormais annoncé, toute honte bue, dans le projet du candidat favori des sondages : autonomie des établissements, nouveau management public, recrutement local des enseignants, fin du statut de fonctionnaire, contractualisation accélérée, etc. : autant de chimères néolibérales qui n’ont jamais et nulle part fait leurs preuves ! Une telle obstination dans l’erreur confine au sabotage.
Cinq ans de perdus, donc ? Pas pour tout le monde en réalité : les écoles privées hors contrat et les organismes privés de soutien scolaire se frottent les mains et voient l’avenir avec enthousiasme. Dans un futur proche, l’enseignement privé hors-contrat sera hélas le dernier refuge d’une instruction autrefois destinée à tous. Ce jour-là, nous aurons définitivement perdu, l’école de la République ne sera plus qu’un souvenir.
Mais ce jour n’est pas arrivé.