L’amère lassitude des professeurs jurys au Baccalauréat.

Publié le 29 juin 2022 à 19:54

Le trucage des notes du Baccalauréat 2022 est dénoncé dans la presse nationale et en particulier par le Député européen Bellamy sur la chaine Public Sénat : déclaration de F.-X. Bellamy sur Public Sénat.

A&D cesse de compter le nombre des collègues qui déplorent amèrement les interventions dites « d’harmonisation » : ce nombre est trop important.

En Normandie, mais également sur l’ensemble du territoire national, les notes attribuées aux candidats du Baccalauréat 2022 ont régulièrement été « harmonisées » sans concertation avec les jurys, qui ont été prévenus a posteriori. Il faut comprendre ici que c’est parfois l’ensemble des notes d’une épreuve qui a été augmenté.

Dans certains cas, c’est pendant la correction sur Santorin que les jurys ont été avertis par leurs inspecteurs que leurs moyennes étaient trop basses : se faire ainsi cornaquer est mal vécu.

Une lassitude amère cède la place à la colère des années passées dans l’esprit des collègues dont le travail est mésestimé à ce point. Il n’est même plus question de corriger la note de telle ou telle copie dans le cadre d’une commission d’harmonisation réelle : le sentiment général est que le ministère joue avec les courbes de Gauss, les moyennes et les écarts-types, pour parvenir au taux de réussite à l’examen compatible avec l’organisation de la rentrée prochaine.

Les oraux de français : les jurys manquent, et nombre de nos collègues auront été cette année encore de correction d’écrit et d’oral.

Une statistique officieuse parle de 20 % de collègues en arrêt de travail pendant cette période d’examen.

A&D rappelle que les arrêts de travail relèvent de prescriptions médicales ; les catégoriser dans la complaisance serait donc un peu rapide : il ne faut pas négliger l’état de fatigue et de découragement de collègues qui ont été nombreux à être harcelés par des élèves et leurs familles dans le cadre de leur notation.

Le résultat de ce faisceau de causes est l’absence de roulement des charges de jury d’examen parmi les collègues. Ceux qui sont en fonction année après année subissent une surcharge de travail qui n’a rien d’anodin. Des questions qui dérangent doivent être posées :

• Ces arrêts de travail relèvent-ils d’un clientélisme médical ou d’un excès de complaisance des praticiens ? Ce serait faire insulte aux médecins, qui connaissent eux aussi des conditions de travail exténuantes, que d’accréditer cette opinion. Mais, si tel était le cas l’administration aurait le devoir de saisir l’ordre des médecins.

• L’état de santé des professeurs n’est-il pas tout simplement mauvais en raison de leurs conditions de travail et des conséquences sur eux :

• Des réformes des cinq dernières années qui les ont plongés dans l’instabilité ?

• de la crise sanitaire qui a profondément désorganisé leur travail sans entamer leur conscience professionnelle ?

• du passage à la numérisation des copies qui n’est pas sans inconvénients à la lumière de l’expérience des deux dernières années ?

A lire aussi :

Inscription de complaisance au CNED, remontée des notes d’un professeur contre son avis, tentative de médicalisation, falsification des bulletins…

La violence à l’école.

Psychologique, physique, la violence a aussi pour cible des professeurs harcelés sur leur notation, insultés par des élèves ou des familles, publiquement sur des réseaux sociaux où le langage est totalement débridé et la surenchère une donnée structurelle, ou in situ dans les établissements ; des collègues sont aussi menacés, molestés, ou frappés.

Dans de telles circonstances, terriblement déstabilisantes, il faut une dose considérable d’énergie pour surmonter l’état de sidération initial et aller déposer plainte. Ce dépôt de plainte est la seule réponse républicaine à apporter à la violence, mais il faut conjointement et sans tarder aller faire constater chez le médecin les répercussions de ces agressions sur la santé physique et mentale.

C’est un devoir que chaque agent de la fonction publique a vis-à-vis de lui-même. L’estime personnelle est profondément atteinte, et la blessure profonde, grave et subreptice pour quiconque reste sans réaction suite à une agression.

Les collègues victimes de violence subissent trois types de traumatismes : l’agression elle-même, l’absence de soutien dans l’établissement et la passivité de l’administration. Pourtant, c’est le ministère lui-même qui recommande le soutien aux collègues et les renvoie à ce sujet au réseau PAS (Prévention Aide et Suivi) au numéro vert 0800 500 005 pour être mis en contact avec des psychologues (paragraphe 2-1 Bulletin officiel n° 20 du 14-5-2020). Pour davantage d’informations consultez le site de l’académie de Corse : Santé Sécurité au Travail : les acteurs.

Sur ces questions pénibles, nous vous recommandons en outre d’étudier cette série de documents officiels :

lien vers la page du ministère à propos de la prévention de la violence,

lien vers le guide 1er degré de l'agression,

lien vers le guide 2nd degré de l'agression,

lien vers le guide de la plainte.

Les automatismes du fonctionnement hiérarchique font que les rapports montent « au-dessus » et qu’ils montent tellement haut qu’ils finissent par être égarés. Pendant ce temps, vous souffrez d’une atroce solitude, et, dans votre établissement, votre exemplarité est mise en doute ; le temps passe sans qu’il ne se passe rien : on attend un retour qui se fera peut-être, mais on ne sait pas quand… Pardonnez-nous cette touche d’ironie.

Cette mécanique est celle du cas Samuel Paty : A&D œuvre pour que le « pas de vague » cesse et que la responsabilité des uns et des autres redevienne autre chose que « transmettre au-dessus ».

À cette fin, dans sa déclaration prononcée le 20 juin 2022 au Conseil supérieur de l’éducation devant le ministre de l’Éducation nationale Monsieur Pap Ndiaye ( lien vers la déclaration au CSE ), le syndicat Action & Démocratie a annoncé qu’il est aux côtés de la famille de Samuel Paty dans le procès que celle-ci intente aux ministères de l’Intérieur et de l’Éducation nationale.

Le syndicat Action & Démocratie a annoncé également qu’il porte plainte contre l’Éducation nationale pour mise en danger d’autrui ainsi que pour plusieurs manquements de l’institution à ses plus élémentaires devoirs.

Par cette action, le syndicat Action & Démocratie souhaite d’abord que la lumière soit faite sur les circonstances qui ont exposé Samuel Paty à un grave danger, que toutes les responsabilités

soient recherchées et établies de façon impartiale.

Au-delà, le syndicat Action & Démocratie entend que soient décrits et analysés les mécanismes et les pratiques qui ont abouti à exposer Samuel Paty à un grave danger et qui sont, hélas, toujours à l’œuvre au sein de l’Éducation nationale, comme de nombreux exemples l’attesteront au cours du procès si cette plainte est acceptée.

Une fin d’année maussade.

Les sanglots longs

Des violons

De l’automne

Blessent mon cœur

D'une langueur

Monotone.

Tout suffocant

Et blême, quand

Sonne l’heure,

Je me souviens

Des jours anciens

Et je pleure ;

Et je m'en vais

Au vent mauvais

Qui m'emporte

Deçà, delà,

Pareil à la

Feuille morte.

Ces vers de Verlaine portaient, en Normandie, un espoir il y a 78 ans de cela ; il expriment aujourd’hui notre lassitude.

 

Ces problèmes récurrents qui nous lassent et nous désespèrent parfois, et qui vont s’aggravant, ont pourtant des solutions :

• La fin du mépris affiché par nos dirigeants politiques et par les plus hautes sphères de l’Education nationale.

• Une vraie revalorisation salariale pour tous les personnels.

• L’octroi systématique à tous les personnels victimes d’agressions de la protection fonctionnelle.

• L’arrêt de l’inflation des tâches qui nous épuisent tous et nous éloignent progressivement du cœur de nos métiers.

• La suppression des postes inutiles et redondants dans l’encadrement.

• La fin du management néo-libéral dans l’Education nationale.

• Le retour du dialogue social avec les organisations syndicales.

Ces solutions sont simples et peuvent aisément être appliquées.

Action & Démocratie les défend déjà, et le fera avec une énergie renouvelée lors des élections professionnelles de décembre 2022 !

ACTION ET DEMOCRATIE CORSE L ALTERNATIVE NUMERO 17 DU 30 06 2022
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