FIERTÉ (et colère), le retour (au nom de Samuel)

Publié le 10 juin 2024 à 17:35

Soutien total et renouvelé au combat de

Mickaëlle Paty pour la mémoire de son frère !

Nous partageons une tribune d'un collègue de Lyon. 

Vous le savez, nous vous en avions déjà parlé... bien isolé dans le monde syndical enseignant du pays, Mickaëlle Paty et son avocate Carine Chaix avaient envoyé un recours administratif le 15 mars au Premier ministre et aux ministres de l’Intérieur et de l'Éducation nationale, lesquels avaient deux mois pour répondre, avant que l'affaire ne soit portée devant la justice administrative.

« L’État ferait amende honorable d'effectuer un travail d'introspection sur le traitement des offensives de déstabilisation de l'institution scolaire et du modèle républicain » écrivait alors Mickaëlle Paty, engagée pour la mémoire de son frère assassiné le 16 octobre 2020, en demandant que l'État reconnaisse sa responsabilité dans la mort de ce dernier.

 

Dans une tribune publiée dans Marianne le 20 mars 2024 Mickaëlle Paty faisait le point sur la situation et expliquait le sens de son action. Elle y accusait l’État d’avoir failli à sa mission de protection de l’un de ses agents, son frère. Carine Chaix, son avocate, expliquait alors : « Nous attendons que l’État reconnaisse sa responsabilité dans cet engrenage fatal qui aurait pu être maîtrisé, mais qui ne l’a pas été en raison d’une série de négligences et, il faut le dire, d’un certain manque de courage. » Elle poursuit : « Nous attendons qu’il assume ses fautes passées pour que justice soit rendue à Samuel Paty, mais aussi car l’éthique de responsabilité ne doit pas s’arrêter aux portes de l’État ».

 

Las... les ministres saisis avaient deux mois pour répondre au recours administratif en responsabilité mais ils ont préféré laisser leur silence venir jusqu’à elle, pour lui signifier qu’elle pourrait aller chercher Justice auprès des tribunaux.

Carine Chaix, dans une tribune donnée à Marianne en tire les conclusions qui s'imposent.

 

Morceaux choisis : "Pas un mot ne nous est ainsi parvenu, en dépit des dires de Nicole Belloubet à la presse, dans les couloirs du Sénat, et contrairement, aux promesses gênées de la directrice adjointe de cabinet de Gabriel Attal, qui avait appelé Mickaëlle Paty, la veille de son émission sur BFMTV, pour lui assurer qu’une réponse lui parviendrait". "Rien. Dans un pareil drame, on ne devrait pourtant pas ajouter à la douleur d’une famille, le déshonneur du silence."

 

Dans une autre prise de parole au micro d'Apolline de Malherbe sur RMC le 29/05 Carine Chaix livre d'autres détails absolument sidérants : une avalanche de messages à la rédaction de BFM du cabinet de M. Attal un peu plus tôt pour obtenir le contact de Mickaëlle afin de (manifestement) parer au plus pressé puis un appel en urgence (vers minuit !) des mêmes services à la soeur de Samuel la veille de son passage à la télévision pour lui assurer qu'une réponse lui serait donnée et d'essayer d'empêcher une polémique pouvant atteindre le pouvoir politique... Du grand théâtre !

 

A titre personnel l’assassinat de notre collègue en octobre 2020 a constitué un électrochoc. J'étais alors un professeur d'Histoire-géographie de collège consciencieux et investi mais finalement assez éloigné des dangers qui nous guettent. Carrière classique, affectation actuelle en zone périurbaine plutôt tranquille, bien noté par la hiérarchie, syndiqué dans l'organisation que je jugeais alors la plus à-même de peser par sa visibilité médiatique et son omniprésence en salle des professeurs pour améliorer notre sort etc... L'assassinat de Samuel Paty m'a réveillé d'un assoupissement qui s'annonçait de plus en plus prononcé et, pour tout dire, assez lâche. J'ai été alors ébahi des réactions (molles ou absentes, voire ambiguës...) de la plupart des organisations syndicales et aussi parfois, et c'est terrible, de bien trop de collègues. Cela s'est d'ailleurs confirmé, de manière encore plus nette, avec le drame d'Arras dont a été victime Dominique Bernard. C'est quelques semaines après la mort de Samuel Paty, dès la fin 2020, que je me suis tourné vers le syndicat Action & Démocratie CFE-CGC, pleinement apolitique et laïque, car il s'est alors tenu et se tient toujours depuis aux côtés des personnels face aux extrémistes. En paroles mais aussi en actes. Mais ceci est une autre histoire.

 

Samuel Paty devrait avoir 50 ans aujourd’hui. Moi j’en aurai 48 en octobre prochain. Le même métier, presque le même parcours et le même âge…. Des points communs : l'Auvergne comme point de départ, Lyon (ses études supérieures et son année de stage pour lui, mon académie actuelle dans mon cas), l'affectation en Seine et Marne en début de carrière, comme TZR puis en poste fixe, un enfant en bas âge…. Plein de différences sûrement aussi… Pourquoi lui ? Est-ce que chacun a fait son examen de conscience dans notre Éducation nationale si « bienveillante » ? Est-ce que l’institution joue mieux son rôle aujourd’hui ? Est-ce que la figure du professeur est enfin respectée, au moins protégée ? Des progrès ont été réalisés c'est vrai mais toutes les leçons ont-elles été tirées ?

 

Mickaëlle Paty dans sa tribune donnée à Marianne écrivait : "Si la volonté est que de pareils drames ne se reproduisent vraiment pas, alors il faut avoir le courage de les regarder en face, de les comprendre d'abord puis de reconnaître les responsabilités de chacun dans l'engrenage infernal qui a fini par l'attaque terroriste islamique et la décapitation de mon frère. Chacun doit assumer sa propre responsabilité et celle de l'un n’amoindrit pas ou n’exclut pas celle de l'autre".

 

Depuis le drame de Conflans, je me suis engagé dans le syndicalisme (d'abord comme militant puis désormais comme responsable local) mais aussi dans diverses associations défendant la laïcité. Sur le terrain,  les réseaux sociaux, dans la presse... j'ai rejoint un collectif qui cherche à défendre les intérêts matériels et moraux des personnels (c'est-à-dire le rôle dévolu à un syndicat) et désormais leurs intérêts vitaux ! On ne peut accepter que l’on se résigne à compter ses morts et faire part de sa compassion pour les victimes après chaque attentat, comme si tout cela était une fatalité et qu’on n’y pouvait rien. Il faut regarder les choses en face et cesser de se cacher derrière la langue de bois car, si on ne le fait pas, d’autres encore paieront de leur vie le prix de notre lâcheté. En ce sens il convient d'apporter un soutien franc et entier à l'action menée par Mickaëlle Paty. Nous formons le voeu qu'une masse de collègues soutienne, comme nous, sa démarche courageuse et nécessaire. Il serait également heureux que toutes les organisations syndicales de l'Éducation nationale y apportent leur concours. C'est actuellement, et nous le déplorons, un sujet peu mis en avant par la majorité des syndicats de nos professions.

 

Il est temps que la République soit vraiment aux côtés de ses "hussards noirs" autrement que le temps d’une cérémonie, et qu’au lieu de laisser lentement périr son école, elle sache la défendre et se mettre au niveau de ceux qui consacrent leur vie à la transmission des connaissances, à l’élévation de la jeunesse, à la propagation des Lumières. Il est temps que le gouvernement prenne conscience du fait que le corps enseignant est le premier et peut-être le seul rempart contre l’obscurantisme ; les terroristes eux l’ont bien compris et c’est précisément la raison pour laquelle ils s’attaquent à des professeurs. Et cela a des conséquences !

 

Une étude de l’IFOP de décembre 2022 avait révélé que 56% des professeurs du secondaire déclaraient s’être auto-censurés afin d’éviter tout incident déclenché au nom de convictions religieuses ou « philosophiques » : c’était 7 points de plus qu’en 2020 et 20 points de plus qu’en 2018 ! L’auto-censure des collègues, autrement dit la peur, est une réalité, et celle-ci n’est pas l’un des moindres dégâts collatéraux de ces discours qui, sous couvert d’expliquer, finissent par excuser l’abjection. Action et Démocratie CFE-CGC ne peut que les condamner solennellement et avertir tous ceux qui, au sein de l’Éducation nationale, font preuve de complaisance envers le terrorisme d’une manière ou d’une autre, qu’ils contribuent par leurs postures à installer la confusion dans les esprits, ceux des plus jeunes notamment.

 

Ces discours, ou plutôt ces lâchetés, nous les connaissons trop bien, nous enseignants. Elles ont conduit certains à mettre en doute les compétences de Samuel Paty en matière de laïcité ou bien à estimer qu’il avait commis une faute (voire qu’il avait « merdé »…). Aujourd’hui comme hier (défense de la mémoire de Samuel Patyaffaire de Malicornay, tribune en soutien au proviseur du lycée Ravel et de défense de la laïcité à l'École...) notre syndicat se tiendra aux côtés de celles et ceux qui, comme Mickaëlle Paty, se dressent pour dire le RÉEL.

 

Samuel aimait le groupe de rock irlandais U2, nous le savons tous depuis la cérémonie d'hommage aux Invalides où la chanson "One" a été diffusé dans une séquence poignante. C'est pourquoi j'ai voulu, comme je le fais souvent en exergue de nos communications académiques, adapter ces quelques paroles d'une autre chanson du groupe ("Pride " soit fierté).

 

"Early evening, October sixteen / A knife out in the French sky / Free at last, they took your life / They could not take your pride / In the name of school / What more in the name of school ? / In the name of school / What more in the name of school ?"

 

Oui Samuel, oui Mickaëlle ils n'auront pas votre fierté.

Ton combat, votre combat c'est celui de l'École, c'est celui de la République. Et vous n'êtes pas seuls.

 

"One man come in the name of school / One man come and go / One man just come to teach / One man to act for liberty / In the name of school / What more in the name of school ? Early evening, October sixteen / A knife out in the French sky / Free at last, they took your life / They could not take your pride / In the name of school / What more in the name of school ? / In the name of school / What more in the name of school ? "

D’après U2, « Pride (In the Name of Love) », album « The Unforgettable Fire », 1984.

 

Cédric BIEL, professeur d'Histoire-Géographie-EMC en collège,

président académique du syndicat "Action et Démocratie CFE-CGC Lyon et Clermont".


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